L’évaluation professionnelle : conséquences et situation concrète pour un personnel administratif

L’évaluation pour les personnels administratifs a été mise en place en 2005. Ce nouveau système a été accompagné de la fin de la notation chiffrée et la mise en place d’un entretien professionnel annuel. Présenté comme un moment d’échange entre l’agent et son supérieur hiérarchique, il a très vite signifié pour tous une individualisation de la carrière. Le système s’est lentement mis en place, dans un premier temps sans grand changement réellement perceptible, puis a révélé sa vraie nature qui aujourd’hui a instauré un système opaque et clientéliste.

Chaque année un entretien professionnel est censé faire le point sur l’année écoulée : sur sa manière de servir, s’il a été un élément force de proposition, comment l’agent s’est comporté, quels ont été les éléments de progression et s’il a atteint les objectifs qui lui ont été fixés à la fin de l’année précédente. Des éléments purement subjectifs qui rendent responsable l’agent de sa situation professionnelle et écartent toutes les autres données : service en sous-effectif, matériel inadapté, maladie, congés, etc. On invite l’agent à expliquer ses incompétences ou difficultés et à trouver les solutions qu’il envisage de mettre en place pour s’améliorer, dédouanant au passage son administration des responsabilités qu’elle a, mais on demande aussi qu’il juge ses propres collègues. Et de nouveaux objectifs pour l’année suivante lui sont fixés.

Le supérieur hiérarchique rédige ensuite un compte rendu qu’il propose à la signature du collègue. Si celui-ci est en désaccord avec ce compte-rendu, il peut demander à son supérieur de le modifier. Si ce dernier refuse il peut alors le contester en CAPA. Dans les faits, les commissaires paritaires ne réussissent que très peu à changer la moindre chose. Ou de façon très anecdotique sur des éléments qui vont trop loin sur le plan « moral », ou bien qui font référence à un état de santé ou un mandat syndical qui lui serait reproché Ce compte-rendu d’entretien est alors versé au dossier de l’agent.

Or, le compte-rendu d’entretien professionnel est l’unique élément pris en compte pour la gestion de carrière. Il est pris en compte pour les promotions, pour l’accès à un corps supérieur, par exemple. Un mauvais entretien professionnel ou un entretien professionnel moyen est donc synonyme de stagnation et peut barrer toute possibilité de promotion.

Le compte-rendu d’entretien est également demandé pour les mutations sur certains postes (postes à profil) ou lors du mouvement inter-académique et pris en compte pour refuser ou non l’attribution du poste à un agent.

Mais il a aussi un impact sur le salaire, puisque les primes et régimes indemnitaires doivent être en cohérence avec cet entretien. Enfin, c’est pendant l’entretien professionnel, tous les 3 ans que se discute entre l’agent et son supérieur l’évolution de sa prime (augmentation, stagnation ou baisse). Or, les primes représentent 15%, souvent plus du traitement des agents aujourd’hui. Il y a donc un enjeu réel pour les agents.

De règles statutaires nationales et collectives, le simple passage de la notation chiffrée à l’évaluation a permis, en quelques années, l’instauration d’une gestion purement individualisée de l’ensemble de la carrière et même d’une partie du salaire.

D’une gestion en CAPA des contestations de notation, nous sommes passés à un système complètement arbitraire qui ne permet plus aux commissaires d’agir et de défendre les collègues et qui dégoûte les agents qui ne contestent plus leur compte-rendu, persuadés que cela ne mène à rien. En parallèle, pour obtenir un bon compte-rendu, certains prennent en charge plus de dossier, font des heures supplémentaires non récupérées, vont au-delà de leurs ORS, espérant par ricochet obtenir une promotion ou une revalorisation de leur prime mensuelle.

Le statut particulier devient peu à peu une coquille vide remplacé par une gestion par individu, par la notion de contrat d’objectifs individualisés, reposant le plus souvent sur la recherche des gains de productivité, fixés pendant les entretiens individuels professionnels. La valeur professionnelle de l’agent n’y est plus appréciée à partir de son activité avec objectivité.

L’existence d’une notation chiffrée sur 20 avant la réforme de 2004 permettait à chaque agent de se situer par rapport à ses collègues (notation moyenne de l’échelon) et lui offrait la possibilité de contester cette note. Le commissaire paritaire pouvait jouer son rôle, alerter un collègue lorsqu’il relevait un écart injustifié sur sa note. Il pouvait ensuite intervenir efficacement en CAP car le notateur était le recteur lui-même.

Aujourd’hui, chaque agent est renvoyé à sa relation individuelle avec son évaluateur, lui-même soumis à évaluation sur la réalisation de ses propres objectifs. Les collègues hésitent à entamer une procédure de contestation longue et hasardeuse. C’est une remise en cause du paritarisme et du rôle des commissaires paritaires qui représentent les intérêts des agents. De fait, les CAP n’ont pratiquement plus de dossiers à étudier.

Injustice, arbitraire, assujettissement de chaque agent à son évaluateur, absence de réelle possibilité de recours, tout est mis en oeuvre pour substituer à la gestion statutaire collective une relation contractuelle individualisée transposée du secteur privé.