Defense du statut

Déclaration au CTSA du 13 novembre 2020

Mesdames, Messieurs les membres du CTSA,

Comme pour la précédente réunion de ce CTSA, nous commencerons par vous alerter sur les inquiétudes et l’épuisement des personnels. Serons-nous cette fois entendus ? Il y a urgence, pas seulement à nous entendre, mais à assumer vos responsabilités d’employeur. La situation est grave, vos manquements ont des conséquences dramatiques.

« L’Etat se doit d’être exemplaire dans la protection de la santé et de la sécurité des agents comme des usagers du Service public », cette phrase n’est pas de nous, ce sont les propos répétés à l’envi par le premier ministre. Dans notre administration, ils ne sont pas mis en oeuvre. Vous prenez même le parti de ne pas respecter les règles posées pour l’ensemble de la population en général, et par la circulaire Fonction publique du 29 octobre en particulier dans nos services.

Ces dernières semaines, nous n’avons eu de cesse d’alerter l’administration sur des situations de collègues et de services aussi préoccupantes qu’inadmissibles, allant jusqu’à littéralement vous courir derrière. L’administration n’a pas jugé utile de nous répondre. Il nous aura fallu solliciter la rectrice et préparer un courrier d’alerte à l’attention du préfet de l’Isère, pour que vous daigniez nous accorder quelques minutes. Ce fonctionnement est inapproprié, l’administration a toujours un temps de retard : plutôt que de régler un petit souci, vous finissez par intervenir une fois que la situation a dégénéré. En prenant en compte les signalements sans attendre, l’administration aurait évité le risque de contamination et la contamination de personnels – pour certains considérés « vulnérables » face au Covid19 – dont elle est responsable de la sécurité, et aurait évité la constitution de foyers de contamination.

L’organisation du travail mise en place pour la Division de l’enseignement privé par exemple, marquée par une forte réticence à la mise en oeuvre du travail à distance, a très certainement contribué à la contamination de ses personnels. Il aura fallu attendre hier pour que le service soit fermé. La fermeture n’empêche pas la présence de certains personnels aujourd’hui encore et certainement dans les jours à venir, sans désinfection des locaux puisque des collègues sont sur place. Ainsi, une suspicion sur la réalité du travail effectué à la maison couplée à l’absence de réaction de l’administration malgré plusieurs alertes, a conduit à la contamination de personnels. Les agents, qui ont pourtant démontré sans doute
possible qu’ils ont fait fonctionner l’administration de l’Education nationale durant le premier confinement, sans même toucher la prime Covid pour la plupart, méritent plus de respect.

Autre exemple marquant pour l’ensemble des personnels et des usagers, la réorganisation du pôle « Relations utilisateurs » de la DSI avec la fermeture du Guichet académique entre autres et dans une totale opacité, en pleine période de crise sanitaire, provoque des dysfonctionnements considérables. Le traitement des demandes, même les plus urgentes est complètement chamboulé, à tel point que personne ne peut suivre. Comme dans l’immense majorité des services, les collègues en arrivent à exprimer qu’ils ne parviennent plus à accomplir leurs missions de Service public comme ils le voudraient. Du côté des usagers, il devient de plus en plus commun d’entendre que « personne ne répond dans les services », quand dans le même temps les personnels des services croulent sous le travail. Cette situation ubuesque, qui s’inscrit dans la régionalisation des services et dans l’harmonisation des pratiques qu’elle impose, conduit à créer des tensions importantes, y compris entre collègues. Nous demandons des explications et l’annulation de cette réorganisation.

Redisons-le, nous sommes des représentants des personnels qui défendent un syndicalisme de terrain, libre et indépendant, nous n’aspirons pas à être des lanceurs d’alerte qui pourraient combler le vide. Nous n’aspirons pas plus à être des délateurs. Nous n’attendons pas non plus de l’administration qu’elle soit du même avis que nous. Mais la rectrice nous avait indiqué qu’elle rejoignait sans réserve notre revendication pour que la sécurité et la santé des personnels soit la priorité absolue. Regrettons ensemble que ce ne soit pas le cas.

Les calendriers de gestion de plus en plus contraints, la pression exercée sur les services pour les maintenir, sont prioritaires sur la santé des personnels. C’est insupportable.

Depuis le début de cette crise sanitaire, nous revendiquons un cadrage général, pour que l’organisation du travail et la protection de tous les agents ne soit pas laissées à l’initiative d’un chef de service, d’un chef de bureau ou encore d’un secrétaire de division. Il n’y aurait pas dû y avoir de place pour la demi-mesure ni pour des mauvaises interprétations dans la mise en oeuvre des obligations et des recommandations. Le manque de consignes claires et la succession d’injonctions contradictoires ont placé les personnels d’encadrement, déjà sollicités de toutes parts, dans des situations intenables. La responsabilité de la sécurité des personnels incombe à l’autorité académique.

La position de FO est sans ambiguïté : les personnels, qu’ils travaillent en distanciel ou en présentiel, doivent être en sécurité. Les réactions de cette semaine semblent se faire dans la panique, en contraignant des collègues qui souhaitaient travailler sur site au travail à distance total du jour au lendemain et parfois sans équipement. Nous savons tous que des personnels ont très mal vécu le premier confinement, des familles ont explosé. Nous savons aussi que dans nos services le travail nécessite une part d’interaction. Nous avons le recul nécessaire pour organiser le travail de manière à garantir à la fois la sécurité sanitaire et la liberté de choix des personnels.

Malgré ce contexte de crise sanitaire sans précédent, les circuits de communication sont plus abîmés que jamais. Les rares courriers électroniques adressés à certains personnels sont largement insuffisants, tant dans leur fréquence que dans leur contenu. Cette situation est vécue comme un mépris par l’immense majorité des personnels. Nous l’avons exprimé à maintes reprises. Vos réponses sont toujours identiques : nous prenons note. Vous avez fait des échanges avec les représentants du personnel une coquille vide, assimilable à une partie de cache-cache, vous permettant même de plus en plus souvent d’user d’ironie et d’exprimer ostensiblement votre exaspération.

Les représentants Force ouvrière ne sont pas là pour se poser en juges de vos décisions, hurler avec les loups ou jouer un rôle. Nous occupons le terrain, nous rencontrons des collègues, nous échangeons avec eux, au quotidien. Nos interventions sont la transcription de ce que nous vivons et observons au quotidien. Les organisations syndicales ne choisissent pas les représentants de l’administration. De la même manière, l’administration ne choisit pas les représentants syndicaux ; ce choix appartient aux collègues.

Le constat est clair : la confiance est malmenée, avec les personnels comme avec leurs représentants. Le manque de transparence, dans la gestion et dans l’organisation même de notre administration, tend à devenir la règle. Nous l’observons dans les opérations de mobilité, notamment à travers la conduite des mouvements internes cette année. Nous observons la même opacité dans la politique indemnitaire. Vous le démontrez en allant jusqu’à ne pas inscrire à l’ordre du jour d’un CTSA réuni le 13 novembre la question du Complément Indemnitaire Annuel. Vous allez même jusqu’à inscrire à l’ordre du jour du CTA convoqué le 16 novembre une information sur le bilan du versement de la prime Covid, sans prévoir cette discussion au préalable devant le CTSA pour ce qui concerne les services académiques. Pour clore la discussion entamée lors du CTSA du 3 juillet dernier, vous indiquiez pourtant, madame la secrétaire générale, « nous y reviendrons ». Le message que vous envoyez ainsi est clair !

Force ouvrière rappelle que pour les mouvements internes, les qualifications / déqualifications / créations de postes, pour les éléments de rémunération des agents publics, pour le respect des cadres de gestion, y compris la classification des postes dans le RIFSEEP, le fait du prince n’existe plus en droit français. Ainsi, le droit français n’autorise pas les réponses laconiques, je cite « c’est une décision de madame la rectrice ».

Nous terminerons cette déclaration en exprimant notre immense tristesse et notre profonde colère provoquées par l’assassinat effroyable de Samuel Paty, enseignant de l’Education nationale. Nous sommes tous ici traumatisés par des images que nous n’avons même pas vues. Nous ne pourrons jamais admettre que la mort atroce d’un collègue, comme celle de Christine Renon dans d’autres circonstances, devienne un fait divers. Ces drames illustrent de manière atroce les risques que des collègues affrontent quotidiennement. Le président de la République, certains ministres, ont su trouver les mots appropriés sur le moment.

Aujourd’hui, ces mots résonnent en chacun de nous pour rappeler que le Service public de l’Education nationale est certainement le Service public qui symbolise le mieux la devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité ». Le Service public de l’Education nationale est aussi en première ligne parce qu’il doit accompagner chaque individu dès le début de sa vie sociale. Pourtant, comme le secteur de la santé ou d’autres Services publics, le Service public de l’Education nationale n’est pas épargné par les politiques destructrices qui, dans des logiques d’économies budgétaires, fragilisent gravement l’Ecole républicaine. Le contexte de crise que nous vivons n’a pas conduit à une remise en question du rouleau compresseur des réformes pour déstructurer le Service public de l’Education nationale. Au contraire, le calendrier de la régionalisation est maintenu voire accéléré, la loi de
Transformation de la Fonction publique demeure.

Les combats que nous menons visent à défendre les valeurs républicaines en toutes circonstances, nous refuserons toujours ces atteintes, sans aucun compromis.

Le ministre Blanquer a quant à lui tout faux. Quand il affirme que tout est mis en oeuvre pour protéger les personnels ou que, je cite, « Nous n’avons pas peur », il est rattrapé par la réalité des faits.

Au-delà des discours, il est indécent de prétendre défendre l’Ecole républicaine et la liberté d’expression quand les politiques menées conduisent à faire le contraire. S’attaquer aux statuts des agents qui font vivre ce Service public, réduire de manière démesurée les moyens qui lui permettent de fonctionner, territorialiser l’Education nationale au mépris de l’égalité républicaine, museler la parole des personnels, réprimer avec une violence inouïe les personnels et les élèves, tout cela ne relève en rien de la défense du Service public de l’Education nationale.

Pour FO, la suppression des ministères de la Jeunesse et des Sports par l’intégration à l’Education nationale n’est en rien une formidable opportunité comme vous l’avez qualifiée lors du CHSCT spécial du 1er octobre. Au contraire, elle marque l’abandon des politiques d’éducation populaire et de soutien à la vie associative. Dans un contexte de montée de l’obscurantisme, ces abandons sont graves et leurs conséquences dramatiques.

Fidèles à nos valeurs, fidèles à nos mandats, nous poursuivrons nos combats et nos actions pour défendre les collègues, individuellement et collectivement. En défendant ses agents, leurs statuts, leurs conditions de travail, c’est le Service public que nous défendons. C’est certainement le seul moyen d’honorer la mémoire de nos collègues qui ont perdu la vie, pas parce qu’ils aspiraient à être des martyrs de la République mais parce que tout simplement ils assuraient leurs missions de Service public.

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